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vendredi 29 mai 2015

Nesyamon met sa robe de soie




 C’est un grand jour, aujourd’hui, pour Nesyamon. Tandis que tout est terminé pour les trois autres momies, qui attendent dans leur caisse d’être mises en vitrine, la momie de Roanne a droit à un traitement particulier, qui commence ce matin.


Depuis son arrivée en France, en 1893, Nesyamon pose souci car des bandelettes se décollent. Celles-ci ont été maintenues par des moyens variés : de la colle, des clous, des épingles, voire d’autres bandelettes rajoutées sur les siennes pour les maintenir.


Tous ces corps étrangers ont été bien sûr enlevés, pour retrouver l’aspect original de la momie et aussi pour limiter des problèmes de rouille et de corrosion. Ils ont été éventuellement remplacé par des piques en inox, qui ne se dégraderont jamais (voir article « toilettage et séance d’acupuncture pour Nesyamon »).


Mais le clou de la restauration était encore à venir. Aujourd’hui, Véronique de Burhen, restauratrice tissus de l’Atelier de restauration du musée des Tissus de Lyon est arrivée de bonne heure au musée Déchelette car un gros travail l’attend. Elle entoure Nesyamon dans un voile de soie très fin, une crêpeline, qui a été teinte à sa couleur. Cette soie est ensuite plaquée le plus près possible de la momie, puis cousue à point très fin, de manière à devenir pratiquement invisible.




Véronique de Burhen coud uniquement la soie, elle ne touche pas à la momie. Ainsi, la crêpeline de soie vient retenir comme une housse invisible les bandelettes, mais ne constitue pas d’intervention sur la momie elle-même. Ce type de pratique, dit non intrusive, sont les fers de lance de la restauration du patrimoine, aujourd’hui, en garantissant à l’ensemble patrimonial un état inchangé avant et après la restauration.

Un travail long et minutieux, qui constitue le quotidien de Véronique de Burhen. Les restaurateurs en textile, en effet, interviennent sur des objets très variés mais toujours extrêmement fragiles. Par exemple, les fragments de tissus archéologiques, les somptueux vêtements de cour des siècles passés, les vêtements d’opéras ou de théâtre mais aussi les uniformes des dernières guerres, les drapeaux historiques et parfois, comme aujourd’hui, les momies.

mercredi 27 mai 2015

Une momie sur le ventre



Après toutes ces opérations, et avant de présenter Nesyamon dans sa nouvelle vitrine, il fallait s’assurer que la momie était en bon état.. y compris sur le dos. Or, ce n’est pas une mince affaire de retourner une momie. Plus d’une s’est rompue en morceaux lors d’une telle opération, et pour cette raison, à Roanne, depuis le XIXe siècle, tout le monde avait toujours pris soin de laisser Nesyamon sur le dos. 

Cette opération délicate a été confiée à Laure Cadot, restauratrice du patrimoine, spécialisée en restes humains, qui est appelée dans l’Europe entière pour retourner des momies. En effet, elle a mis au point un protocole pour cet usage précis. Un coussin composé d’air et de petites billes de polyester a été donc plaqué sur elle, de la tête au pied, puis vidé de son air, à l’aspirateur. De cette manière, le coussin enveloppait la momie en suivant ses formes, et garantissait un soutien homogène sur toutes ses parties. Ensuite, les agents du musée ont pu retourner la momie exactement comme s’il s’agissait d’une sculpture. 



Moment de tension, quand même au musée, qui a abouti à une très belle surprise : non seulement Nesyamon était en bon état, mais nous avons eu la confirmation de ce que nous supposions depuis longtemps. Les bandes qui la recouvrent sur le dessus ne sont en rien les originales. Ce sont des bandes du XIXe siècle, qui ont été rajoutées soit en Egypte avant la vente, soit lors de son arrivée à Roanne. Les archives n’en disent rien, bien sûr. Mais les bandes du dessus, beaucoup plus larges que les autres, s’arrêtent toutes sur son côté. Les hommes qui les ont mises ont préféré eux aussi ne pas retourner Nesyamon ! Et donc, cela s’est passé probablement à Roanne, car en Egypte, les vendeurs de momie n’avaient certes pas de tels scrupules. 

Sur le dos de Nesyamon, en revanche, nous pouvons voir les bandelettes originelles, celles dont les Egyptiens recouvraient leurs morts. Déjà, elles sont beaucoup plus étroites que les autres. Le laçage, surtout, n’a rien à voir. Les bandelettes sont minutieusement entrecroisées, dans un ensemble évoquant à la fois le pavement et la broderie. Assurément de l’artisanat très soigné pour cette époque.








Une fois quelques photographies « souvenirs » réalisées, Nesyamon a été, de la même manière, remise sur le dos, non sans un changement. Une fine épaisseur de Mélinex a été intercalée entre elle et son support. Ce matériau neutre sert en effet à retenir les gaz qui pourraient être dégagés des supports qui l’entourent. Ainsi, la momie ne risque pas d’être attaquée dans le dos. Vu le parfait état de conservation de son dos, effectivement, ce serait dommage.

vendredi 22 mai 2015

Une pyramide au musée

Ceux qui sont passés récemment rue Anatole France auront certainement noté une présence nouvelle dans la cour : depuis samedi dernier, le musée Joseph-Déchelette accueille en effet une pyramide.

Tout est parti de la remarque d'un enfant, en atelier d'Egypte : celui-ci s'inquiétait de savoir où les momies devaient dormir, puisqu'il n'y avait pas de pyramide à Roanne. La vérité sortant de la bouche des enfants, la construction d'une pyramide a donc été décidée. Celle-ci a été organisée lors de la Nuit des musées, samedi 16 mai. Une structure de bois avait été préalablement préparée, toutes les pierres également sciées pour s'emboîter parfaitement. Tous les visiteurs du musée, tant adultes qu'enfants, encadrés par les agents du musée, ont alors pu poser leur pierre et participer ainsi à la construction de la pyramide.





Pendant ce temps, les animatrices renseignaient les visiteurs sur les méthodes de construction et les utilisations des pyramides... ou tentaient de le faire, car malgré d'innombrables études, ces bâtiments d'un ancien temps conservent une bonne part de leur mystère.

Pierre après pierre, la pyramide s'est élevée toute la soirée, recevant les contributions de plus de 250 visiteurs. Au total un sur deux, puisque pour la Nuit des Musées, le musée Joseph-Déchelette a accueilli 512 visiteurs. Une belle année. Nous remercions donc tous nos visiteurs, tant fidèles que nouveaux venus.

La pyramide est maintenant terminée, elle restera en place jusqu'à la fin de l'exposition Quatre momies et demie, en octobre 2015.

samedi 16 mai 2015

Le lit des momies

Au musée Joseph Déchelette, la restauration des antiquités égyptiennes se poursuit, avant l'ouverture de l'exposition temporaire "Quatre momies et demie" le 20 juin 2015. 

L'heure est maintenant à la présentation au public. Les momies retrouveront enfin leur sarcophage. Leur lit doit donc s'adapter au sarcophage, ne pas l'abîmer, bien sûr, mais aussi permettre de manipuler sans risque la momie et répondre aux exigences de la conservation préventive.

Un plateau en nid d'abeille aluminium, de la forme des momies, a donc été découpé pour servir de support de base.

Il faut ensuite rembourrer cette plaque. Nous n'utilisons que des fibres synthétiques, qui, à la différence du lin ou du coton, ne sont guère appréciées par les petits insectes. Les momies reposeront d'abord sur deux couches de ouate de polyester, qui pourra mieux que la mousse s'adapter à leur morphologie. Ce matériau, tout le monde le connaît bien, c'est celui qui sert à confectionner nos couettes. Les momies auront le privilège d'en avoir double épaisseur. Il faut bien cela pour ces dames de l'Ancienne Egypte. 


S'est posé ensuite le choix du tissu extérieur. Encore une fois, polyester obligatoire, sans ajout pour éviter tout dégagement de COV (composé organique volant).

En matière d'imprimé, il y a beaucoup de choix.

mais les coloris n'ont pas plu aux momies : les modes ont changé depuis l'Egypte antique. 

Elles ont donc préféré des coloris plus neutres, mais toujours assortis à leurs bandelettes. Un ton sur ton des plus harmonieux. 

Nesyamon et Tjesisetperet sont tombées d'accord sur le même beige, qui s'adaptait parfaitement à leur teinte. 


 Nesy-Khonsou a choisi pour sa part un coloris un peu plus soutenu. Ses bandelettes, en effet, rappellent le sable de l'Egypte, et elle voulait rester en harmonie.


 Enfin, la momie dAix les Bains a eu un traitement de faveur. Comme elle est bitumée, ses bandelettes sont noires. Elle a donc élu un polyester gris sombre, mais mat, bien sûr.


Toutes ces dames ont ainsi pu être satisfaites. Et commence maintenant l'autre opération, recouvrir les plaques d'aluminium par la ouate de polyester puis par le polyester, avant de pouvoir, enfin, y déposer la momie. Affaire à suivre.