Pages

vendredi 31 octobre 2014

Les momies sont sauvées !!!



Le traitement d’irradiation est maintenant terminé. Tout s’est passé exactement comme dans les prévisions, c’est-à-dire très bien.

Selon le volume de la caisse, l’irradiation a duré quelques heures, parfois jusqu’à une journée. 




Cette photographie a été prise par Laurent Cortella, l'ingénieur nucléaire qui supervise le traitement, par l'oeillet qui permet de regarder à l'intérieur de la chambre. 

En même temps que les momies ont aussi été irradiés les sarcophages. En effet, ils sont en bois eux aussi, et pour cette raison, susceptibles d’être habités par différents insectes. Pas question donc de les remettre en contact sans les faire traiter eux aussi. Nous ne voulons plus d'insectes au musée Déchelette. 


A la fin de l’irradiation, les caisses sont entreposées dans un nouveau local. Les momies peuvent alors « se reposer » avant de reprendre la route de Roanne. 




mercredi 22 octobre 2014

Arrivée à Arc Nucléart



Le CEA de Grenoble, où se trouve Arc Nucléart, est une ville à part entière… et bien surveillée. Après avoir franchi une double barrière, toutes les personnes du camion, conducteurs compris, doivent se présenter à l’accueil avec la carte d’identité. Toutes leurs informations sont enregistrées, et ils sont pris en photographie pour constituer un badge d’accès. Autrement, nous sommes tous originaires de l’Europe, sinon, la procédure est encore plus compliquée. 

Enfin… toutes les personnes du camion… Bien cachées dans leurs caisses, les momies franchissent incognito le contrôle d’accès. Et heureusement, car elles ne viennent pas d’Europe. Mais elles ne représentent guère de danger d’espionnage industriel. 

Des rues, des ronds-points, des panneaux, des parkings… Le laboratoire d’Arc Nucléart est un bâtiment discret, qui semble anodin. Semble, seulement, car par la fenêtre, on devine des statues anciennes, des cadres posés sur des tréteaux. 

Depuis maintenant 50 ans, ce laboratoire emploie les techniques de pointe les plus poussées pour la conservation du patrimoine artistique. L’irradiation aux rayons gamma est utilisée pour détruire les attaques parasites dans les œuvres. La consolidation des bois gorgés d’eau se fait par imprégnation de polyéthylène glycol. 

L’équipe nous attend. Même le photographe est là. L’arrivée de 4 momies n’est pas si banale que cela, même si l’équipe est aussi habituée à voir arriver des pirogues, des galères, des sculptures monumentales… Le quotidien est par nature varié à Arc Nucléart. 

Les momies sont déchargées et mises dans une zone de quarantaine. De là, elles gagneront directement la chambre d’irradiation, où elles seront enfin débarrassées dans leurs hôtes indésirables. Le biologiste, qui avait mené l’analyse deux ans plus tôt, vient de nouveau les saluer. 

Nous pénétrons enfin dans le bâtiment. Dans un premier bac, trempent des trésors, des bois sculptés japonais de 2400 ans, d’une sépulture impériale. Dans l’autre, juste à côté, des éléments d’un moulin médiéval de la Saône, retrouvés en fouille. Tous les deux seront conservés, l’un comme chef d’œuvre de l’humanité, l’autre pour comprendre l’architecture médiévale.

jeudi 16 octobre 2014

Un voyage en première classe

Les momies ont quitté Roanne !


Jeudi 16 octobre, de bonne heure, c’est le grand départ. La société Marchal Technologies, spécialisée dans le transport d’œuvres d’art, se présente au musée Déchelette à 8h30, avec un camion spécialement affrété pour ces dames. Le chargement s’effectue rue Beaulieu, car la cour, pavée, aurait pu causer bien des dommages à des œuvres aussi fragiles.


Par chance, la pluie, qui tombait depuis l’aube, s’arrête juste à temps. C’est donc sous un ciel chargé, mais sans une goutte d’eau que les momies quittent enfin le musée, sous bonne garde. Nesyamon s’y trouvait depuis 130 ans. Une bagatelle par rapport à son âge, mais une belle carrière quand même. Le photographe de la Ville s’est déplacé pour voir partir la plus vieille habitante de Roanne.

Le début du chargement : les sarcophages embarquent en premier
L'une après l'autre, les caisses contenant les 4 momies, les 5 sarcophages, et les nombreuses pièces de la collection égyptienne en bois ou en tissus, elles aussi attaquées par les insectes, sont chargées dans le camion. Les agents du musée participent, car avec le poids de la caisse, il faut manipuler environ 2000 kilos en tout. Comment bien commencer la journée !

La liste de colisage énumère toutes les caisses, et indique leurs dimensions, le contenu et le numéro d’inventaire de chaque œuvre. Ce document est envoyé à l’assureur de la Ville, en cas de dommage pendant le transport. C’est cette même liste que la directrice du musée utilise, lors du départ, et lors de l’arrivée au laboratoire, pour vérifier que toutes les caisses sont bien présentes. 

Le chargement est minutieux. Il faut veiller à la bonne répartition des poids. Ensuite, il faut sangler les caisses pour qu'elles ne puissent pas bouger, mais restent bien horizontales. Heureusement, les transporteurs d'art sont habitués à manipuler des tableaux, des statues, toutes sortes d'oeuvres fragiles, lourdes et précieuses. 


vérification des sangles avant le départ
Quand la valeur historique ou monétaire d’une pièce le nécessite, la conservation du musée convoie personnellement les œuvres. Elle peut ainsi se porter garant, pour l’assurance, que les règles de sécurité seront respectées, que le camion ne sera pas ouvert, déchargé et rechargé, ou amené vers une autre direction. Pour Nesyamon, et ses compagnes, c’est bien sûr le cas. Mais cette procédure se fait aussi pour d’autres œuvres d’art, par exemple des tableaux particulièrement précieux.

Le camion est sur suspensions pneumatiques, de sorte que la caisse ne bouge pas même en cas d’accident sur la chaussée, ou de ralentisseurs. Elle est aussi climatisée, et la pluie, qui recommence à tomber à peine la porte du camion refermée, n’est nullement un problème. Un double système de fermeture se contrôle depuis le poste de conduite. Enfin, une caméra interne permet de vérifier que rien ne bouge pendant le transport.

Le camion quitte Roanne, prend l’autoroute. Heureusement, elle existe car la route de Tarare n’aurait pas été une partie de plaisir avec un tel chargement. Le camion ne dépasse pas les 90 kilomètres / heure. Il faut donc trois heures, plus la pause déjeuner des conducteurs, pour arriver enfin en vue des pré-Alpes. Le laboratoire du CEA de Grenoble nous attend.

Dans l'ensemble, les momies ont été ravies. Elles ont trouvé que les conditions de transport s'étaient nettement améliorées depuis le chemin de fer du XIXe siècle. 


vendredi 3 octobre 2014

Le début des aventures

Grande agitation en ce moment dans les réserves du musée Déchelette autour des momies. Le voyage se rapproche, il faut maintenant préparer ces dames à la route. La première étape se nomme conditionnement. Il s'agit d'emballer chaque objet afin qu’il puisse voyager sans courir le moindre risque.

Le conditionnement d’objets aussi fragiles se fait par des restaurateurs professionnels, qui ont effectué cinq années d’étude et ensuite de nombreuses années de pratique. Ils savent manipuler les objets sans les abîmer. Car ces pièces sont si fragiles que parfois, elles pourraient s’abîmer par un simple contact : la peinture pourrait se décoller, le bois s’effriter, les bandelettes se détacher. Les restaurateurs regardent attentivement chaque pièce pour déterminer les zones à risque et celles où elles peuvent être touchées.



La première difficulté a été de sortir les objets des caisses où ils avaient été enfermés des années auparavant, sans la moindre précaution. Souvent, nous n’avons eu d’autre solution que de scier la caisse pour pouvoir récupérer le sarcophage. Car il était trop risqué de soulever la pièce. Elle aurait pu se rompre en morceaux.



Emilie Blanc, restauratrice spécialisée en bois archéologiques polychromés et en chantiers des collections, étudie avec les agents du musée la meilleure manière de sortir un sarcophage de sa caisse.
La caisse une fois sciée, les agents du musée déplacent le sarcophage au moyen d’un plateau de manipulation qui évite de toucher directement l’œuvre. Cette pièce pèse presque 100 kilos



Même question pour les momies : Laure Cadot, restauratrice spécialisée en restes humains, élabore un protocole de manipulation.

Chaque momie a été emballée dans un papier de soie. Ce matériau est abondamment utilisé dans les musées, car il est d’un pH neutre, et ne risque en aucun cas d’altérer la matière. Il est souple et s’applique sans forcer à la forme de l’objet. En musée, nous utilisons du papier de soie blanc, bien sûr, pour ne pas risquer de transfert de couleurs.    



Conditionnement de Tjesisetperet. Les momies contiennent très souvent des substances toxiques, comme de l’arsenic et du mercure. Il faut donc prendre des précautions avant de les manipuler.


Ensuite, une caisse a été réalisée pour chacune d’entre elles, à la mesure juste, mais en rajoutant 10 centimètres de chaque côté, aux pieds, à la tête, sur le dessus et le dessous. Dans cet espace, deux couches de mousse neutre en polyéthylène à cellules fermées, l’une rigide et l’autre souple, ont été appliquées pour absorber les vibrations. La deuxième couche a ensuite été recouverte d’un matériau spécifique, un tissu de polyéthylène. Cette nouvelle couche améliore encore la protection. En effet, chaque matériau protège d’une façon face aux vibrations, aux changements de température, d’humidité. Pour conserver les œuvres, il faut donc mieux quatre couches de matériaux différents, plutôt qu’une seule, même plus épaisse. Les matériaux peuvent ainsi se compléter et travailler ensemble pour un maintien irréprochable.


Nesykhonsou prête pour le voyage.
De cette manière, les momies et les sarcophages pourront sans danger rejoindre le laboratoire Arc Nucléart à Grenoble pour y être désinfectées.