En 2000, l’Egypte a été installée au deuxième étage de l’aile
nord du musée. Enfin, une toute petite partie des collections. Nesyamon, son
sarcophage et son matériel funéraire, c’est-à-dire la partie de la collection
liée à Joseph Déchelette, et puis quelques statuettes, deux stèles, des petits
objets … En réalité, bien peu si on pense à tout le reste qui dort en réserve.
Les espaces prévus à l'origine pour les collections d’histoire naturelle n’en permettaient pas davantage.
Le lieu
n’était en rien adapté. Sous la toiture, la température monte parfois jusqu’à
40°C en été. Il y fait très sec. En revanche, en hiver, dès que le chauffage
s’arrête, la température tombe et l’eau de pluie rentre souvent par les
vasistas. Comme si cela ne suffisait pas, le plancher vibre à chaque pas, et le
jonc de mer qui le recouvre retient la poussière.
Certains
croient que comme les momies viennent d’Egypte, elles supportent bien la
chaleur. C’est loin d’être le cas. Dans les tombeaux, il faisait au contraire
frais et la température y était constante. En réalité, les momies et leurs
sarcophages sont composés entièrement de matériaux organiques : des fibres
végétales, du bois, des tissus, sans oublier les chairs momifiées. Elles
constituent donc des collections fragiles, craignant les variations de
températures et d’humidité, la lumière directe. Elles sont aussi susceptibles
d’être attaquées par des insectes.
Ce qui n’a
pas manqué de se produire. Dès 2010, l’état de Nesyamon attire l’attention de
l’équipe du musée. Certaines de ses bandelettes se détachent et tombent en
poussière tout autour d’elle. Une lampe lui est braquée dessus, et la chaleur
qu’elle provoque est beaucoup trop forte. Une étude commence pour adapter sa
présentation, mais l’espace est difficilement adaptable. La charpente n’est pas
isolée, rendant fort complexe tout projet de climatisation. Difficile aussi de
changer la collection d’espaces car le musée ne possède pas d’autres salles
vides.
En 2012, la
situation change du tout au tout quand des bêtes commencent à voler dans la
vitrine, autour de la momie.
La plupart
des insectes xylophages et kératophages ont deux phases de vie : une à
l’état larvaire et une à l’état d’insecte proprement dite. Pendant la phase
larvaire, qui peut durer selon les conditions climatiques, entre 6 mois et 10
ans, l’animal, bien à l’abri à l’intérieur de l’objet, mange en creusant des
galeries. Ensuite, quand les conditions sont favorables, il éclot. Il ne vit
alors que pendant quelques jours, étant un sexophore. En effet, il ne se nourrit
pas, n’a pour fonction que de chercher un partenaire pour se reproduire. Avant
de mourir, la femelle pond de nouveau les œufs. Ceux-ci deviennent des larves, qui recommencent une période larvaire.
En juillet
2012, les conditions de températures idéales dans la vitrine d’Egypte étaient
atteintes, ce qui a permis aux larves de devenir des insectes. L’agitation
était grande dans la vitrine ce jour-là.
Les salles
ont dû être fermées. En effet, il devenait urgent de limiter la température,
pour éviter de nouvelles éclosions. Pour cela, il fallait couper la lumière et
condamner les vasistas, seule possibilité pour limiter l’apport de chaleur. Les
vitrines n’étaient également plus adaptées à une présentation au public.
Dès la fin
des grosses chaleurs, à l’automne, des spécialistes sont venus faire des
prélèvements dans les vitrines pour identifier les insectes.
La technique
est relativement simple : des restaurateurs, habitués à manipuler des
œuvres fragiles avec précaution, effectuent des frottis pour récupérer de la poussière
contenant des traces de passage des insectes. L’ensemble est ensuite analysé en
laboratoire.
L’analyse a
permis de retrouver des traces de passage de cinq espèces différentes. Parmi
eux :
-
Des
insectes xylophages, qui mangent le bois des sarcophages
-
Des
insectes qui mangent le textile, en particulier les bandelettes des momies
-
Des
insectes kératophages, se nourrissant de kératine, produit vivant comme la
peau, les cheveux…
-
Des
champignons.
On ne retrouve pas toujours les insectes, mais parfois simplement les traces de leur passage : parties de chrysalides, mues, déjections, partie d’ailes, mais aussi des cadavres restés dans les vitrines.
Le compte-rendu de cette analyse a rendu nécessaire un traitement pour mettre un terme à cette infestation, dans une des collections les plus anciennes et prestigieuses du musée de Roanne
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